Retrouver la partie 1 : Le Guide de l’Organisateur – Présentation
Retrouver la partie 2 : Le Guide de l’Organisateur – Les aspects légaux
Retrouver la partie 3 : Le Guide de l’Organisateur – Organiser en situation en COVID-19
Retrouver la partie 4 : Le Guide de l’Organisateur – Organiser en situation en COVID-19
Retrouver la partie 5 : Le Guide de l’Organisateur – Infrastructure et équipement
Partie 6 : Favoriser la diversité dans les événements esportifs?
Sommaire :
Pourquoi favoriser la diversité ?
- Aspects définitionnels
- Un constat sans équivoque
- Prévenir plutôt que guérir
- Pour un esport éthique et responsable
Comment mettre en place cette stratégie ?
- Désigner une personne « Responsable de la Diversité »
- Favoriser des profils variés au sein des staffs de l’organisation
- Mettre en place un code de conduite inclusif
- Déployer une communication adaptée à tous les publics
- Récolter des informations : comment et pourquoi ?
- Une alternative : les circuits non-mixtes
- Encourager la pratique des joueurs et joueuses en situation de handicap
- Sensibiliser et faire participer les familles et les seniors
- Réduire les inégalités sociales
Si vous avez des questions après la lecture de cette 3e partie du guide de l’organisateur, ou si vous souhaitez rejoindre l’équipe de rédaction, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse mail suivante : guides@france-esports.org.
Aspects définitionnels
Le sociologue Michel Wieviorka (2012) définit la diversité comme “la variété de profils humains qui peut exister au sein d’une société (origine de pays, de région, de quartier, culture, religion, âge, sexe, apparence physique, handicap, orientation sexuelle, diplômes, etc.).” Ainsi, la diversité désigne l’ensemble des différences individuelles dans un groupe, que celles-ci soient visibles ou moins perceptibles. La diversité est ici notamment entendue comme la pluralité de genres, de cultures, de générations et l’inclusion des personnes en situation de handicap.
Un constat sans équivoque
Selon l’étude “L’essentiel du jeu vidéo” (SELL & Médiamétrie, 2021), 47% des joueurs sont des joueuses. Cette parité quasi parfaite chez les Français.e.s jouant aux jeux vidéo ne se retrouve pourtant pas dans sa pratique compétitive. D’après le baromètre France Esports de 2020 opéré par Médiamétrie, les femmes ne représentent que 30% des esportifs et esportives de “loisir” et cette part chute à seulement 6% concernant l’esport amateur. Les raisons de ce si faible pourcentage sont diverses et relèvent souvent d’une problématique sociale globale plutôt que d’un souci propre à l’esport.
Le baromètre produit par Be Player One pointe également du doigt les problématiques de diversité pour les personnes en situation de handicap dans le milieu du jeu vidéo. Si cette étude insiste surtout sur les efforts restants à faire de la part des éditeurs, elle révèle également des pistes d’améliorations qui peuvent servir les organisateurs d’événements esportifs.
L’article “Why aren’t more black kids going pro in esports ?” de Latoya Peterson révèle que les personnes blanches et asiatiques sont surreprésentées sur les scènes sur PC, alors que les scènes sur consoles présentent plus de diversité. Les scènes de jeu de combat et de simulations sportives sur consoles notamment constituent des espaces bien plus diversifiés que celles sur PC. Les premières car elles ont historiquement favorisé les affrontements en présentiel, contournant de ce fait la toxicité des espaces en ligne, et les secondes, car elles commencent à être valorisées par leurs éditeurs (c’est le cas par exemple de la 2K League), favorisant la professionnalisation des joueurs et joueuses.
Le milieu esportif français peut donc faire la différence dès à présent en faisant de ses événements des lieux accueillants pour l’ensemble des participantes et participants. En tant qu’organisateur et organisatrice d’événements, de nombreux sujets doivent être traités dès la pré-production de vos projets. La mise en place d’une politique visant à favoriser la diversité et l’inclusion représente souvent un sujet additionnel à traiter et un potentiel “coût” supplémentaire. Voici cependant quelques points à prendre en compte.
Prévenir plutôt que guérir
Les problématiques concernant la toxicité sont bien connues dans le milieu du jeu vidéo. En raison de son environnement intrinsèquement numérique, de nombreux comportements toxiques en ligne ont pu être observés, et cela, de manière systématique. Ces discriminations peuvent cependant également survenir lors d’événements physiques.
Prendre en compte cette problématique dès la conception de votre événement vous permettra d’intervenir plus rapidement en cas de problème et avec plus de transparence. En outre, le fait de mettre en avant votre investissement contre ces comportements générera un effet de dissuasion qui limitera la toxicité au sein de votre événement.
Pour un esport éthique et responsable
Vous engager pour l’inclusion et la diversité dans l’esport bénéficiera directement à vos événements, mais aussi au secteur esportif dans son ensemble. France Esports agit au quotidien pour structurer un secteur partageant des valeurs de respect, de partage, de convivialité et de solidarité, en prenant garde à en être responsable. Cela se traduit dans plusieurs champs d’action, dont la mise en place de critères permettant de mesurer l’évolution de la diversité genrée dans les événements, mais également avec un engagement fort à travers la communication.
Pour aller plus loin, nous vous proposons également dans ce chapitre des formats de compétitions spécifiques favorisant la diversité afin d’offrir des espaces accueillants notamment pour toutes les femmes, les personnes en situation de handicap et les personnes racisées.
Toutes ces recommandations sont bien évidemment à porter en accord avec les valeurs de votre organisation. Elles ne constituent en aucun cas une liste imposée.
Afin de favoriser la diversité dans l’organisation de compétitions, nous préconisons de mettre en place un maximum des mesures décrites ci-après. Cependant, vous connaissez mieux que quiconque votre public et vos valeurs. Il sera parfois plus approprié d’y aller étape par étape, surtout en ce qui concerne les événements pré-existants.
Désigner une personne « Responsable de la Diversité »
La mise en place d’une stratégie visant à améliorer durablement la diversité de votre événement doit être liée avec la désignation d’une personne responsable de ces questions.
Cette personne, formée aux enjeux spécifiques de mixité, de harcèlement, de diversité et d’inclusion (on parle ici d’une véritable formation), sera la référente de vos équipes d’organisation, de production, d’admins, de bénévoles, auxquelles elle transmettra un ensemble de recommandations et de bonnes pratiques à adopter, notamment en cas de conflit, ainsi qu’une liste non-exhaustive des faux-pas à éviter.
Élément primordial de votre stratégie d’ouverture aux minorités (femmes, personnes transgenres, en situation de handicap…), ces préconisations participeront à sensibiliser vos équipes et les bénévoles que vous encadrez grâce à des outils actionnables en cas de situations particulières ou de potentiels conflits.
La personne désignée “Responsable Diversité” ne doit pas être qu’un badge symbolique pour votre événement. Bien qu’elle participe à la formation rapide de vos staffs et bénévoles, elle sera aussi une figure d’autorité durant tout le déroulé de votre événement. En cas de problèmes ne pouvant être directement résolus par vos équipes et bénévoles, ce sera à cette personne qu’il faudra faire appel. Elle sera alors celle qui de manière conjointe avec l’ensemble des personnes concernées prendra les décisions finales.
La mise en place de ce poste spécifique est primordiale pour assurer le bon déroulement de votre événement. Il sera également important de mettre en avant dans vos communications la présence de ce dispositif afin d’informer les communautés que votre manifestation constitue un espace sûr pour l’ensemble des compétitrices et compétiteurs. En faisant de la sorte, vous participerez également à montrer la voie aux autres organisateurs et organisatrices d’événements.
Favoriser des profils variés au sein des staffs de l’organisation
Au-delà de l’aspect éthique, la diversité au sein d’un groupe contribue à stimuler la créativité, l’innovation et l’efficacité. À ce titre, réunir des profils diversifiés à tous les niveaux au sein du staff d’organisateurs et organisatrices, d’admins, des responsables événementiels, du personnel de production et de diffusion, des talents et des bénévoles constitue un élément à ne pas négliger.
La mise en place et la réalisation d’événements esportifs exigent organisation, planification, résolution de problèmes et adaptabilité, et cela bien souvent dans des situations de forte pression. Une équipe diversifiée, en termes de genres, d’âges, d’origine sociale et culturelle ou encore de capacités pourra dès lors mettre à profit des expériences vécues multiples et des compétences variées et, en cas de problèmes, proposer des solutions créatives appropriées. Cela peut ainsi élargir l’ensemble des perspectives utilisées pour réaliser une production complexe, ainsi qu’augmenter la probabilité que des erreurs soient détectées ou anticipées. Favoriser la diversité au sein du groupe encourage la recherche de nouvelles opportunités, de voies non conventionnelles et de scénarios innovants.
Mettre en place un code de conduite inclusif
Il est important de garder à l’esprit que des contextes différents nécessiteront des interventions différentes. Cela dit, tous les événements, qu’ils soient en ligne ou physiques, devraient comporter deux éléments clés :
- Un code de conduite
- Un outil permettant de signaler les comportements contraires à ce code de conduite.
Un code de conduite est un ensemble de valeurs et de comportements que vous attendez de toutes les personnes qui participent à vos événements (en premier lieu les compétitrices et compétiteurs, mais également les staffs, admins, hosts, prestataires et bénévoles). Il définit ce qui est attendu, interdit et valorisé par l’organisation de la compétition. Il sert à décrire les valeurs qui sous-tendent votre organisation ou votre communauté et fournit une ligne directrice pour favoriser les comportements positifs. L’absence de code de conduite peut être souvent perçue comme le signal que la compétition ne sera pas sécurisée pour l’ensemble des participantes et participants.
Le code de conduite doit être rendu public et largement visible. Il doit explicitement et clairement apparaître dans le programme de votre événement, que ce soit en ligne sur votre site web ou bien affiché à l’aide de pancartes directement sur place. Ce sont de bons moyens de faire passer le message. Selon l’événement, vous pouvez même envisager de demander aux compétiteurs et compétitrices d’accepter officiellement le code de conduite en le leur faisant signer avant leur inscription ou en indiquant une case à cocher pour les inscriptions en ligne.
Le code de conduite doit être également mis en place pour les événements compétitifs en ligne, en plus des conditions d’utilisation et des règles établies pour le tournoi. Les espaces en ligne ne sont pas exempts de la nécessité d’un code de conduite et, en fait, souvent, ils sont parmi les outils les plus importants pour la gestion des communautés.
Si vous diffusez votre événement en ligne via Twitch, au-delà des personnes en charge de la modération du tchat, utilisez des outils de modération automatisés. La fonction AutoMod intégrée peut vous aider à gérer le tchat. Réglez-la au moins au « niveau 2 » (qui supprime le langage sexuellement explicite, les discours haineux et les propos injurieux) ou au « niveau 3 » pour élargir le spectre. L’intervention de modérateurs et modératrices vous aidera à gérer le tchat, à donner le ton de manière proactive, à informer les internautes sur votre code de conduite et, en général, à les aider à utiliser des robots de modération technique.
Faites preuve de créativité pour vous assurer que votre code de conduite est vu par tout le monde. Envisagez, par exemple, de l’afficher sous forme de fenêtre “pop up” ou de clic obligatoire. Twitch dispose d’un certain nombre d’outils (dont l’outil d’auto-modération intégré) que vous devez connaître et utiliser. Leur outil de « règles de tchat » qui vous permet de spécifier les règles de comportement du canal et de faire cliquer les participants et participantes sur un bouton « J’accepte » a montré une réduction statistiquement significative des bannissements.
Signaler les violations et les sanctionner sont des éléments essentiels à l’adoption du code de conduite. Une fois que vous avez publié un code de conduite, vous devez vous assurer que l’ensemble des participantes et participants savent clairement comment ils peuvent, en toute sécurité et en toute confidentialité, informer l’équipe organisatrice en cas de problème. Nous vous recommandons de désigner une personne au sein de l’équipe de l’événement qui sera chargée de veiller à la mise en place du code de conduite (par exemple la personne responsable de la diversité) et de définir des outils de signalement et un répertoire de sanctions. Le répertoire des sanctions à disposition des équipes organisatrices fait partie intégrante du code de conduite afin d’être transparent et opposable. Cette liste de sanctions (pouvant aller de la perte d’une manche à la disqualification du tournoi) doit être adaptée, mais peut être révisée par l’équipe organisatrice en cas de fait exceptionnel. En outre, assurez-vous que l’ensemble des personnes qui participent (compétitrices, compétiteurs et staffs de l’organisation) ont bien identifié cette personne (à l’aide d’un t-shirt spécifique et d’une signalétique claire sur le lieu des tournois), sont autorisées à prendre contact avec elle et à lui signaler les incidents. Les codes de conduite sans mécanisme de suivi concret restent simplement symboliques.
Le pôle « Diversité » de France Esports s’engage à formaliser dans les prochains mois un code de conduite inclusif à l’attention des organisatrices et organisateurs d’événements esportifs français.
D’ici là, vous pouvez vous appuyez sur vos équipes et votre responsable diversité pour construire une première ébauche de code inclusif pour votre événement. On ne peut que vous conseiller de prendre contact avec les autres organisateurs et organisatrices pour mettre en commun vos différents savoir-faire et compétences.
Déployer une communication adaptée à tous les publics
Bien qu’il soit souvent facile de considérer les jeunes hommes (blancs) comme le marché cible de l’esport, le public esportif est beaucoup plus varié. En effet, les femmes et personnes non-binaires, les personnes en situation de handicap et les personnes racisées ont toujours fait partie de la scène. Assurez-vous que vous représentez le large éventail de personnes intéressées et impliquées dans l’esport. Les images et le contenu promotionnel de votre événement doivent inclure des femmes, des personnes racisées et des publics généralement divers car ils et elles représentent non seulement la réalité des fans et personnes qui pratiquent, mais contribuent également à constituer et à développer ces publics.
Étant donné que le storytelling autour des joueurs et joueuses et des équipes est un des leviers de communication les plus convaincants pour faire la promotion des événements esportifs, nous vous encourageons à inclure des histoires qui mettent en évidence les femmes, les personnes non-binaires, les personnes en situation de handicap ou les personnes racisées qui sont impliquées dans l’organisation et la participation de l’événement. Cela concerne ainsi certes les joueuses et joueurs, mais également les hosts, les observateurs et observatrices, les casters, les admins et l’ensemble des bénévoles. Veillez ainsi à équilibrer le nombre d’hommes et de femmes sur les images et les vidéos, mais également à la tribune de vos conférences. La communication autour de votre événement peut signaler avec force que toutes et tous sont les bienvenus et appréciés sur votre événement. Évitez cependant les stéréotypes et mettez plutôt en valeur les expériences et les compétitrices et compétiteurs authentiques.
Nous vous encourageons également à ce que cette volonté de diversifier votre public se retrouve dans les éléments de langage de votre communication. Ainsi la rédaction épicène (ou bien encore appelé langage neutre) devrait être envisagée dans chacune de vos communications, que celles-ci soient internes ou externes. Ce sera entre autres l’une des missions de la personne responsable de la diversité au sein de votre organisation de s’assurer que vos équipes de rédaction et de communication prennent soin d’éviter toute forme de discrimination sexiste, mais également âgiste, raciste ou validiste. Le choix des mots, de la syntaxe, de la grammaire ou encore de la typographie de vos communications doit refléter votre ambition et vos valeurs :
- User du féminin ET du masculin ou doublet dans vos messages (“toutes et tous”, “joueurs et joueuses”),
- Accorder les noms de métiers, titres, grades et fonctions (“organisatrice”, “développeuse”, “commentatrice”),
- Employer des mots épicènes, un langage non-genré ou des formules englobantes (“les personnes qui participent”),
- Ou encore utiliser des formes contractées grâce à des parenthèses, des traits d’unions, des points, des points médians ou toute autre forme (“joueur/se”).
Attention cependant à l’utilisation de cette dernière forme contractée, elle peut constituer un réel obstacle en termes de déchiffrage et d’accessibilité pour les personnes porteuses de déficiences cognitives, les excluant de fait des audiences que vous ciblez pour votre événement. Vous remarquerez ainsi que l’ensemble de ce chapitre est rédigé en écriture inclusive sans jamais utiliser de forme contractée (et notamment le point médian).
Nous souhaitons également vous encourager à être inclusif pour toutes les femmes, tant celles qui s’identifient au sexe biologique qui leur a été attribué à la naissance (« cis ») que celles qui ne s’y identifient pas (« trans »). Dans la plupart des cas, il suffit de dire « femmes », mais si vous devez préciser davantage, des expressions telles que « ouvert à toutes les femmes, cis et trans » sont recommandées. Attention, les termes « trans » et « transgenre » doivent être utilisés comme adjectif uniquement, c’est-à-dire « femmes trans » ou « femmes transgenres », car leur utilisation en tant que nom est perçue par les personnes concernées comme péjorative et dénigrante.
Nous vous invitons ainsi à mettre en avant vos initiatives qui vont dans le sens d’une plus grande diversité, que ce soit :
- En amont de l’événement afin de présenter ce que vous comptez mettre en place et proposer afin de favoriser le bouche-à-oreille et une plus grande visibilité auprès de toutes les catégories concernées et des autres organisateurs.
- Pendant l’événement afin de mettre en lumière vos dispositifs inclusifs, la formation des bénévoles, la personne responsable de la diversité, tout en y joignant des photos des stands, des conférences, des compétitrices et compétiteurs et des fans.
Après l’événement afin de restituer les retours d’expériences des visiteurs ainsi que les chiffres et statistiques récupérés pendant toute la durée de l’événement.
Récolter des informations : comment et pourquoi ?
En 2019, une étude menée par Océane Minard Carneiro et Nicolas Besombes a permis pour la première fois d’évaluer la proportion de compétitrices de deux événements majeurs français sur une période de 10 ans. En raison de l’absence de données explicites concernant le genre des compétiteurs et compétitrices, les deux universitaires ont dénombré la part de prénoms “masculins”, “mixtes” et “féminins” s’étant inscrits au Stunfest et à la Gamers Assembly lors de la période 2009-2018.
Les résultats de l’enquête révèlent ainsi que sur la période 2009-2018, seuls 3.4% des prénoms étaient étiquetés comme “féminins”. Parallèlement, dans le cas de la Gamers Assembly, sur la période 2014-2018, la part moyenne des prénoms identifiés comme “féminins” s’étant inscrit en tant que “joueuses libres” était parmi les plus importants (7.7 %). Elle n’a fait d’ailleurs que croître de 2014 à 2018, passant de 3.4 % à presque 10 %, allant de pair avec un glissement progressif des joueuses inscrites en tournoi vers les “joueuses libres”.
De cette enquête, plusieurs initiatives participant à une meilleure diversité dans les événements esportifs peuvent être relevées :
- Mettre en place, si ce n’est pas déjà le cas, une zone de joueurs et joueuses libres pour celles et ceux qui souhaitent participer à des événements physiques sans pour autant avoir une démarche compétitive.
- Intégrer la demande de tous les genres dans les formulaires d’inscriptions afin de pouvoir apprécier l’efficacité des mesures prises chaque année et suivre l’évolution de cet indicateur à travers le temps.
- Proposer des tournois sur des jeux différents et aux formats innovants permettant de favoriser la participation de publics variés : jeux sur mobile pour les plus jeunes, sur consoles à détection de mouvement pour les parents et grand-parents, formats mixtes parents-enfants, hommes-femmes, handi-valides, etc.
- Proposer la gratuité de l’inscription aux tournois pour les femmes et les personnes en situation de handicap déjà inscrites en tant que “joueuses et joueurs libres” afin de les encourager, si elles le souhaitent, à expérimenter la pratique compétitive.
Ces initiatives, en plus de favoriser la diversité dans votre événement, vous permettront de produire des données nécessaires à une meilleure compréhension et appréhension de votre offre et de votre image. Si elles sont appliquées par une majorité d’organisateurs et organisatrices d’événements esportifs, il sera possible d’identifier les dispositifs ayant un impact positif sur la diversité, tout en permettant aux universitaires d’avoir accès à ces données pour affiner les futures initiatives dans le milieu du jeu vidéo et de l’esport.
Une alternative : les circuits non-mixtes
Si la présence d’une zone de joueuses et joueurs libres favorise effectivement la présence de populations plus diversifiées, c’est également le cas d’autres types de circuits : les compétitions non-mixtes réservées à des populations spécifiques, que ce soient les personnes en situation de handicap ou toutes les femmes, cis et trans.
La non-mixité, bien qu’elle puisse encore se voir opposer des résistances idéologiques, est un atout de taille pour permettre à ces populations de connaître leurs premiers tournois compétitifs, et ce, dans un environnement bienveillant et non-toxique. C’est pour beaucoup d’entre elles la première opportunité d’expérience en LAN, et parfois leurs premiers pas sur une scène devant un public venu assister à leurs prouesses.
Le monde des échecs – dont un nombre de plus en plus important de championnes et champions rejoignent depuis peu des clubs esportifs – a par exemple lui aussi connu sa révolution sur cette question. Grandes absentes de la pratique des échecs et des tournois prestigieux, c’est grâce à la création des compétitions 100 % féminines que les femmes ont commencé à jouer aux échecs de manière compétitive (comme le relate très justement l’article sur la nécessité des compétitions 100% féminines aux échecs).
France Esports considère qu’il est nécessaire de créer les meilleures conditions possibles pour que toutes les populations investissent plus abondamment les scènes esportives. En l’état actuel, tant que ces formats de compétitions continueront à être utiles à ne serait-ce qu’une poignée de personnes (femmes ou personnes en situation de handicap), le dispositif aura un impact positif. Bien entendu, ces formats de compétitions non-mixtes ne doivent en rien se substituer aux tournois que nous qualifierons de “classique” ou “mixtes”, mais offrir une possibilité supplémentaire aux personnes qui le souhaitent de participer.
De la même manière, ces événements non-mixtes ne constituent pas l’unique solution à la féminisation du secteur, et ne sont qu’un élément parmi d’autres qu’il est nécessaire de déployer pour y parvenir, comme la mise en avant de rôles-modèles, la professionnalisation des joueuses, le développement de partenariats commerciaux ambitieux venant financer les équipes et les événements qui promeuvent la diversité ou encore l’accompagnement bienveillant des entités du milieu. Votre liberté en termes de format compétitif doit vous encourager à innover et proposer des tournois les plus inclusifs possibles : il vous est ainsi tout à fait possible d’organiser des tournois intégrant exclusivement des équipes mixtes (hommes-femmes, enfants-parents, handi-valides, etc.). Libre à vous de décider des conditions de participation.
La mise en place de telles initiatives doit néanmoins être très réfléchie et pensée en amont :
- Votre événement attire-t-il une part non négligeable de spectatrices et/ou de joueuses (d’où l’intérêt des données chiffrées) ?
- L’offre de jeux est-elle suffisante pour créer un tournoi 100% féminin (notamment les jeux qui ne nécessitent pas d’être en équipe, ce qui peut être un frein pour les joueuses solo) ?
- Vos bénévoles et admins ont-ils les bases de la lutte contre les préjugés sexistes (voir notre partie sur la personne responsable de la diversité) ?
- Existe-t-il un code de conduite inclusif pouvant rassurer les joueuses quant à leur éventuelle participation à ce tournoi ?
Vous l’aurez compris, ces tournois ne peuvent vraisemblablement pas être construits sans des bases solides, que vous aurez instaurées et renforcées au fil de vos éditions. En tant qu’organisateur et organisatrice d’événements esportifs, vous pouvez par exemple commencer par appliquer ce que l’Evolution Championship Series (EVO) avait mis en place pour son édition de 2010 : une compétition 100% féminine, qui inscrivait également de facto les participantes à la compétition dite “mixte”. Les joueuses avaient alors l’occasion de jouer entre elles, puis contre leurs homologues masculins.
La présence de stands d’informations et de sensibilisation ou de zones de jeux libres (découverte et initiation) constituent également des initiatives bénéfiques pour l’instauration sereine d’une mixité dans vos événements esportifs. Nous vous invitons là encore à vous rapprocher des (très) nombreux réseaux d’entraide spécialisés sur le sujet, comme le département esport de Women In Games France, Game’Her, Afrogameuses, ou toute autre association. Sachez que de nombreuses scènes compétitives ont d’ailleurs leurs propres réseaux féminins spécifiques comme les Super Smash Nanas ou les Valkyries sur Smash, ou La Ligue Féminine sur League of Legends.
Encourager la pratique des joueurs et joueuses en situation de handicap
L’accessibilité de l’espace dédié à votre événement est un des éléments-clé favorisant la diversité. S’il se tient dans un établissement recevant du public (ERP), celui-ci peut déjà être aux normes. Il est cependant important de le vérifier par soi-même ou de le faire vérifier par des personnes compétentes.
Par ailleurs, des initiatives supplémentaires sont possibles pour améliorer l’accès et le confort des personnes en situation de handicap. Lors de son édition 2019, la Paris Games Week a instauré plusieurs mesures en faveur de l’accessibilité qui peuvent être tout à fait transposées à n’importe quel événement :
- Communication
- Une communication media accessible (vidéos sous-titrées, doublées en langue des signes, site web accessibilité (W3C-WCAG ou RGAA: e.g. taille des caractères, contrastes, textes alternatifs, etc.).
- Des tarifs réduits pour les personnes en situation de handicap et la gratuité pour les personnes les accompagnant.
- La mise en place d’ateliers et stands de sensibilisation avec la présence d’associations locales ou nationales spécialisées sur les questions de handicap.
- La mise en place de commentaires en langue des signes pour le public malentendant assistant aux compétitions.
- Accueil et circulation
- Une file d’attente et une caisse dédiées pour accéder à l’événement.
- Des allées et des circuits de déplacements élargis pour faciliter la circulation des personnes à mobilité réduite.
- Des parcours thématiques permettant de guider les premiers pas dans l’événement.
- Une signalétique visible permettant de se repérer facilement.
- Des plans inclinés (rampes) déployés pour permettre aux personnes à mobilité réduite d’accéder aux espaces surélevés.
- Des scènes et structures pouvant supporter le poids d’un fauteuil roulant électrique.
- Un accueil et des points d’informations avec des interprètes en langue des signes et des plans en braille.
- La présence d’une salle de repos, isolée visuellement, acoustiquement, faiblement éclairée et confortablement meublée.
- Animation
- La mise en place d’une compétition pour personnes en situation de handicap (jeux dont les options d’accessibilité permettent la pratique par le plus grand nombre, avec la possibilité d’utiliser des manettes adaptées).
- Des horaires aménagés pour les personnes en situation de handicap participant aux tournois (éviter les horaires en matinée, car ils sont généralement réservés aux soins).
Dans tous les cas, nous ne saurons que trop vous conseiller de vous rapprocher des associations de votre ville ou département spécialisées dans l’accessibilité des jeux vidéo et de l’esport comme CapGame, HandiGamer, E-Quals, Rebird ou toute autre association.
Sensibiliser et faire participer les familles et les seniors
Depuis plusieurs années, la pratique compétitive des seniors s’est cristallisée autour de la compétition du Trophée Senior de la Gamers Assembly, organisée par l’association Silver Geek. L’association regroupe à la fois des entreprises, des acteurs publics et le tissu associatif spécialisé sur le thème de la solidarité et de l’éducation numérique auprès des personnes âgées et des familles. À chaque édition, un nombre croissant de duos issus de centres socioculturels et d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) s’affrontent lors d’un tournoi de Bowling virtuel sur console à détection de mouvements. Le championnat national se conclut sur la grande scène de la plus grande LAN de France, devant plusieurs centaines voire milliers de fans venus encourager les duos de finalistes ou découvrant un peu par hasard cette discipline.
La conception des vos événements peut ainsi prendre en considération des publics souvent omis lors des compétitions esportives : les parents et grands-parents. Mettre à disposition des espaces de découverte et d’initiation, des ateliers et stands de sensibilisation ou bien encore des compétitions libres auprès de ces populations peut avoir un impact significatif sur la compréhension du secteur et de la pratique esportive pour les familles inquiètes des discours médiatiques sur le jeu vidéo et l’esport et participer à réduire la fracture numérique des générations antérieures.
Engager une stratégie d’intégration des seniors dans l’esport participe à diminuer leur isolement et à favoriser le lien intergénérationnel, qu’il soit compris dans la cellule familiale (entre petits-enfants et grands-parents) ou au sein d’événements plus formels entre jeunes et seniors. Outre ces bénéfices relationnels et sociaux, la pratique de certains jeux vidéo favorise également l’amélioration de compétences physiques telles que l’augmentation des degrés de liberté des articulations les plus sollicitées, la coordination oeil-main ou l’acuité visuelle, et diminue les effets de l’âge sur la dégénérescence des capacités cognitives telles que la mémoire visuelle et la mémoire à long-terme, le traitement des informations ou l’orientation spatiale. Des atouts bénéfiques que vos événements peuvent participer à faire rayonner.
Afin d’approfondir cette thématique, nous vous encourageons à prendre connaissance des multiples initiatives déjà proposées par des associations comme Silver Geek ou PédagoJeux afin de participer dans une certaine mesure à la résolution de certaines problématiques de santé publique.
Réduire les inégalités sociales
C’est certainement l’un des plus grands défis du secteur : participer à la réduction des inégalités sociales d’accès et de pratique du jeu vidéo et de l’esport. Si les données chiffrées ont prouvé l’intérêt grandissant de la population française pour les jeux vidéo et leur pratique, les catégories de la population les moins dotées en capital économique et donc numérique peuvent être de fait écartées de ce goût pour les jeux vidéo et l’esport. Pour rappel, la dernière édition 2020 du Baromètre France Esports fait état d’une population d’esportifs et esportives amateurs provenant de classes sociales favorisées significativement supérieure à la population française (41 % contre 28 %), symbolisant de fait cette fracture.
Disposer d’un téléphone portable ou d’un smartphone suffisamment puissant pour permettre de jouer, d’une console ou d’un ordinateur dont les coûts peuvent s’avérer inabordables pour certaines familles, ou encore s’affranchir du prix d’entrée en LAN, peuvent être des freins considérables pour certaines catégories de la population à développer un goût pour la pratique culturelle du jeu vidéo et de l’esport.
Plusieurs initiatives peuvent être engagées pour favoriser le lien entre des populations défavorisées issues de classes sociales dites “populaires” et l’esport :
- Favoriser l’éducation aux outils numériques via des ateliers de sensibilisation.
- Organiser une pré-ouverture pour les familles qui n’auraient pas accès à ces outils et leur proposer des parcours d’initiation et de découverte.
- Proposer la gratuité ou des tarifs réduits en fonction de différentes catégories d’âges, du quotient familial de la CAF ou du taux d’invalidité.
- Ajuster sa pédagogie et son langage afin de lutter contre la fracture linguistique qui discrimine de fait ces populations.
- Prendre contact avec les pôles des mairies et des collectivités territoriales qui travaillent sur ces sujets.
Se rapprocher des associations locales d’éducation populaire dans le cadre d’ateliers ou d’animations, ainsi que d’outils de communication ciblés pour toucher ces populations.
Pour conclure
Le pôle « Diversité » de France Esports vous propose pour conclure de retrouver son référencement en constante évolution de l’ensemble des initiatives à travers le monde qui œuvrent pour une plus grande diversité dans le secteur. Vous pourrez ainsi prendre connaissance de la variété des dispositifs déployés sur les multiples scènes compétitives des nombreux jeux esportifs. Nous vous encourageons à solliciter ces experts et expertes régulièrement afin de porter un regard constructif sur vos événements et à ne pas hésiter à collaborer de manière active avec ces réseaux.
Enfin, nous sommes bien conscientes et conscients que ce chapitre est loin d’être exhaustif et que certaines populations marginalisées ne sont pas suffisamment adressées. Ce guide a vocation à être évolutif et à bénéficier des retours que vous nous ferez parvenir. Nous vous encourageons ainsi à venir participer aux réflexions menées par l’association ou à nous faire part de vos propres expériences vécues afin de compléter les recommandations proposées dans ce guide.